Sur les chemins de terre et de fougères
Marchait Jakez le chemineau
Vers l’horizon
Roi des prairies, des arbres creux
Bouche de cuir, tête de fer
S’en allait marchant
Voix des pauvres
et des mendiants
Du désespoir des femmes
Sanglotant famine
A travers les villages déserts.
Les faux claquent au soleil
Les fourches narguent la foudre
Harangues de colère
Sur
les tables de pierre
Des mots que l’on croyait enfouis au plus profond
Sur les chemins de rêves et d’espérance
Dansait Jakez le chemineau
Devant l’horizon
Roi du ciel et des signes
Bouche de colère et tête haute
S’en allait dansant
Devant les bâtons et les piques
Voix des femmes aux bras levés
Clamant justice
A travers les villages crucifiés.
Flammes de granit, honte brûlée
Une armée d’ombres
Baignées de lune
Un peuple de brume et de vent
Evadé du carcan
D’un passé scélérat
Où
l’on exile les vivants révoltés.
Sur l’aire de pierres et de sang
Chantait Jakez le chemineau
Face à l’horizon
Roi des vaincus et des pendus
Bouche de sang, tête
fendue
Se tenait chantant
Voix des corps et des nuques brisés
Des enfants fous de peur
Pleurant leurs pères
Oscillant dans le vent.
Peuple nu dépouillé
Enfants vaincus
d’une histoire étrangère
Non loin les baies ont des hanches de sable
S’y préparent tous ceux
Qui ne renoncent pas.
Sur l’échafaud de bois et de chanvre
Mourait Jakez le chemineau
Sans voir l’horizon
Roi de la pluie et du vent
S’en allait mourant
Voix des os et des membres broyés
Déchirés par les oiseaux noirs.
Les veuves condamnées à l’errance
Détournaient les yeux des arbres
Ployant sus le poids des innocents.
Les arbres ont fait promesse
Saison après saison
L’écho du sang versé
Se glisse dans le vent
Une
rumeur de sel
Venue des avant-postes de la mer
Une rumeur de glaise
Libérée des forêts surgissant des lisières
Comme une histoire vraie
Qui ne veut pas mourir
Qui vit comme on respire
Qui vit comme on respire…