Nos villages ont fait cent fois le tour du monde
Ont traîné leurs clochers sous tous les cieux sur terre
Ont posé leurs guetteurs sur les chemins de ronde
De
port en port de mer en mer d’océans en lagunes
Dans leurs maisons tranquilles aux yeux calmes de chiens
Dans la blondeur du temps rythmé par le silence
Et le cri des moissons
sous les feux de l’enfance
Sous le trop-plein des larmes une joie du retour
Nos villages ont vu tant de clairières muettes
Tant de maisons blessées
tant d’ombre saccagée
Ils ont frémi souvent du froid des feux éteints
Les ruelles tapies dans leurs ombres complices
Ont écouté longtemps le battant
de l’histoire
Et ne rien raconter n’empêche de tout vivre
Vivre le bruit des feuilles l’aube des sépultures
Nos villages ont vu tant
de guerre et de haine
Tant de croix de plein vent tant d’arbres abattus
Tant de femmes assises sur le seuil des grand’ routes
Au profond de nos murs la mémoire des mères
Et les étés d’avant les forêts foudroyées
Les guetteurs sont tombés sans un chuchotement
Le soleil de plein fouet à l’orée des grand’
rues
Nos villages ont vu tant de charrois de nuit
Ont senti tant de vent circuler dans leurs veines
Tant de ruisseaux rougis baigner leurs pierres grises
Tout au bout du chemin l’éclair des goélands
La soif rauque des ânes l’ombre noire du temps
Et le soleil sonore sur les cuivres de l’eau
Nos villages s’endorment assis le long des murs
Quelques lambeaux d’histoire nichés dans les coins d’ombre
Les vivants ont souvent les yeux gris de l’attente
Mais les chemins parfois chantent au clair des armes
En haut de leurs collines l’herbe cache la pierre
Nos villages ont vu tant de choses lointaines
Qu’ils
nous sont revenus avec des yeux nouveaux
Silencieux et muets autour des monuments
Et la mer se retire et s’éloigne à regret
La vie vient à pas lents trouve son équilibre
Sur l’équerre où se fige le silence des pierres
Et s’élèvent alors les chants des retrouvailles.