Silence, on ferme
Au nom du Saint Profit
Vous
m’auriez demandé
Il y a un ou deux mois : « Qui êtes-vous ? »
Ma réponse était simple
Je
suis comme beaucoup
Employé d’entreprise installée en Bretagne
Mon pays de naissance mon pays d’existence
Là où
je voudrais vivre et mourir à mon heure
Voir mes enfants grandir un maillon de la chaine
La joie d’appartenir au passé au présent
Et de tendre la main aux années à venir
J’aurais voulu avoir ma part sur cette terre
Comme tous mes camarades attroupés immobiles
C’était un matin gris tout gribouillé de pluie
Quand le ciel est d’acier que le soleil se fige
Un matin de ferraille où les grilles se ferment
Visages pétrifiés et poitrines plombées
On se retrouve ensemble près d’un feu de tristesse
Pourtant l’automne est doux
On se rapproche un peu on racle un peu les pieds
Une autre cigarette la toux rauque du vide
Ces mots qu’on voudrait dire qui s’écroulent
en sanglots
Des regards sans reflets qui ne regardent rien
Et puis ces longs frissons qui restent en dedans
Pourtant l’automne est doux
Nous avions cru gagner quelques arpents de rêve
Nous n’avons qu’un trop-plein de colère rentrée
A voir ce qui attend, des vestiges de vie
Des désirs condamnés qui perdent la raison
Et vont battre sans fin les tympans de la nuit.
Il nous reste
nos pas pour nous faire avancer
Nos pas qui vont aller maquiller le bitume
La mort à fleur de peau se cache au bout des rues
Quand nos forces vacillent,
ne reste que le cri
Femmes de volonté hommes incertains d’eux-mêmes
Tous humains en révolte contre l’inacceptable
Quand
le présent trébuche et que les enfants jouent
Ils savent faire silence et ne pas déranger
Ils oublient l’avenir ils oublient les plaisirs
La blessure du jour ne cicatrise pas
Les souvenirs nous restent c’est l’envers du malheur
Résistants invincibles échos de vies qui durent
L'aube se lèvera on ne sait trop sur quoi
A quelle heure viendra l’heure de la fracture ?
Les valets de l’argent n’auront pas de remords
Dormez bien braves gens la lâcheté est douce
Mais cessez de nous dire ne vous révoltez pas
Vous êtes sacrifiés sur l’autel du progrès
La pensée planétaire a son nouveau credo
« Au nom du Pèze, du Fric et du Saint Profit »
Et ce bruit de serrure
Pour la dernière fois
Qu’il était doux l’automne en ce début novembre.
13 novembre 2013