Glad : le cœur à l'ouvrage

 Glad : le cœur à l’ouvrage

Les vapeurs de l’aube glissent en silence sur les étangs, ultimes jeux avant la grande clarté, le moment où les rêves se heurtent au jour naissant. Soudain un souffle de souvenirs, un paysage oublié qui se fait insistant, un soleil blanc qui souligne des présences laborieuses aux contours brouillés mais étrangement familières dans leurs habits de labeur, leurs livrées de courage, enfants de bâtisseurs, guérisseurs de mémoire.

 

Il a fallu tout un passé de lin et de goémon, de fermes et de bateaux, de chanvre et d’écume en ces temps malaisés de démarches pesantes et de reins fatigués sur les sentiers foulés par les sabots de bois vert, les sabots de misère et de colère aussi, un temps de fondrières.

Et cette humilité qui fait le regard fier. Ne restent que leurs voix et leurs formes mouvantes, silhouettes brisées sous le poids des jours noirs, les serres de détresse crochant dans les épaules.

Ombres baignées de lune quand les braises sifflaient la fin de l’invisible, la voix d’or des prodiges, le retour dans la nuit où frémissaient encore les échos des légendes, les frissons de l’effroi sous l’étreinte du vent.

C’est ainsi que soudain ressurgit le murmure des vies passées, voilà que nous retiennent les ombres des chemins, les doubles familiers. Ils étaient du pays, parlaient la noble langue, vivaient dans nos tempêtes et dans nos mers étales, habitaient leur travail, nommaient les mêmes choses avec les mêmes mots.

La mort s’éloigne quand le passé rompt le silence d’un monde reconnu où nous vivions déjà, paysans des fermes têtues sur les terres de sueur, bâtisseurs de l’utile, marins de mers traitresses en habits de courage. Nous sommes funambules d’un fil qui nous transporte tout droit à l’aube des mémoires.

A nous de lutter contre la rupture de la trame des jours, le silence coupable de ceux qui virevoltent avec le mauvais vent, course folle de totons enivrés de puissance, à nous d’oublier le cadastre des routes de ferraille, de retrouver les traces du labeur ancien, de recréer l’espace qui avait fait ses preuves.

 

Il suffit parfois d’un vague souvenir ou d’un heureux hasard pour mettre à jour les pierres bâillonnées dans le grand silence de la terre, découvrir leurs visages sous le masque de mousse, retrouver les avers de lumière, la logique et la jointure, l’équerre et l’aplomb, le plein et le creux, la construction première.  Retrouver les savoirs enfouis, les gestes oubliés, rebâtir un appareil dissimulé sous les strates des saisons, percer l’énigme de l’eau qui attend dans la nuit de l’humus, repérer le passage et le murmure, remonter à la source où tremblent les fougères, attendre le chuchotement, libérer les frémissements bridés, faucarder les entours. Retrouver les pierres enterrées vives par les temps de broussailles, elles ont toujours été l’ossature des fours, des lavoirs, des fontaines, la charpente des jours, la source jaillissante, le bassin de l’espoir et l’eau qui récurait la toile du gris de la misère. La douceur de la vie, le rêche de la mort.

 L’oubli se retire sur la pointe des jours quand renaît le bruit des pas sur le sentier, le ramage d’oiseaux, le souffle secret des arbres, les chants des femmes et les voix des hommes, les éclaboussures des rires d’enfants, le bruit gorgé d’eau du battoir.

La mort avait rompu le dialogue. Il restait le truchement des pierres relevées pour briser le silence.

Rien ne meurt lorsque l’esprit heurte le temps et frappe les trois coups d’un passé retrouvé.

Cendres de regrets, poussières d’espoir, désir de vie.

 

Rien n’empêchera le soleil couchant de se poser sur les buffets pour jouer avec le sépia des images et mettre une lueur malicieuse au coin de l’œil humide des bâtisseurs et des lavandières.

Hommage à celles et ceux qui renouent le lien.

 Loctudy octobre 2017

 

Commentaires

29.04 | 19:58

https://www.youtube.com/watch?v=VE5svVTDuMU

15.05 | 10:49

Merci pour cet hommage à nos disparus . Le bigouden est têtu et l'injustice le révolte.C'est pourquoi nous continuons notre combat pour la vérité.