15 janvier 2004, naufrage du Bugaled Breizh

 Sommes cinq compagnons

De joies et de tristesses

Dans une fin de nuit

Qui plante le décor

On se retrouve au quai

On se serre la main

La tête dans les épaules

La brume s’effiloche

Et le soleil hésite

On a plein à se dire

Mais en fait on se tait

Les autres pensent pareil

Alors on marche un peu

Et on tape des pieds

Le quai aux lueurs mates

Les bruits sont tout humides

Les anneaux sont rouillés

Notre vie aussi rouille

On quitte notre amante

On bise les enfants

Sans trop les réveiller

On est là sur le bord

Les moteurs qui ronronnent

La brume s’effiloche

Et nous n’avons pas froid

C’est l’aube qui frissonne

 

Bugaled Breizh

Pemp martolod

Avel ebet Mor glaz

Deiz du

 

On revit hier soir

On en parle très peu

Les claques dans le dos

Ne réconfortent pas

Le bateau tangue un peu

On n’ose pas le dire

Mais la joie du métier

Est mêlée de cafard

La mer est sans lumière

Elle a de la patience

Elle a le temps d’attendre

Et c’est comme toujours

Le vent a l’âcre goût

D’un vieux pressentiment

On refait tous les gestes

Qui assurent la pêche

On voit le treuil graissé

Les filets bien rangés

Peut-être pleins bientôt

Rentrer les cales pleines

Il faut bien de l’espoir

La brume s’effiloche

 

Bugaled Breizh

Pemp martolod

Avel ebet Mor glaz

Deiz du

  

Maintenant qu’ils ne sont

Rien qu’ombres sous la mer

Nous sommes survivants

Souvenons-nous du jour

Où Monsieur Président

Avec ses gros sabots

Est venu pour calmer

La révolte qui monte

A semé la colère

Avec des mots gravés

A jamais sur les quais

De tous les ports du monde

Un mépris assumé

Entre guillemets je cite

« Descends si t’es un homme »

Entre guillemets je vois

Les gorilles costumés

Qui gardent le petit

Il n’avait pas compris

Qu’un marin est un homme

Et parfois une femme

Et que lorsqu’ils descendent

C’est pour aller mourir

Au fond de la mer froide

Le Président s’en moque

Mais il fait des discours

Qui suivent les méandres

Des grands mots inutiles

Des insultes faciles

 

Bugaled Breizh

Pemp martolod

Avel ebet Mor glaz

Deiz du

  

Oubliez-le ignorez-le

Laissez le ricaner

En remuant les épaules

Debout devant l’écran

Où s’agitent les ombres

Masquant les vrais coupables

Ils ont cadenassé

La vérité des morts

Mais la mer ne ment pas

Toutes vagues debout

Sur leurs piteux mensonges

Le destin a frappé

Les radars sont aveugles

Et les sonars sont sourds

Ils étaient des marins

Vivant au jour le jour

Loin des messieurs de guerre

Décidés à mentir

Qu’importe le pays

C’est la raison d’Etat

Qui a toujours raison

Et jamais rien à dire

Elle ne rime à rien

Surtout pas à justice

Il y avait pourtant

Des monstres sous la mer

Couleur de nuit couleur de deuil

Une mort qui se cache

Et qui garde silence

 

Bugaled Breizh

Pemp martolod

Avel ebet Mor glaz

Deiz du

 

On s’est sentis piégés

Happés par l’inconnu

Enveloppés de glace

Espérant remonter

Ne pas ouvrir la bouche

On pourra respirer

Et puis on ne peut plus

On n’est que des marins

Noyés dans le silence

On n’entend plus les cris

Du fond des eaux profondes

On se sent envahis

On sent qu’on est vaincus

Alors on cherche l’air

Et rien que d’y penser on a déjà perdu

La conscience s’éteint

Plus d’enfants plus de femmes

On n’a même pas le temps

D’appréhender la mort

Une trop longue attente

Et la vie qui défile

Etions cinq compagnons

Plus de joies des dimanches

Tous frères autour des tables

Matins d’après bonheur

Quand le soleil hésite

Quand le brouillard s’entête

L’âcre goût des embruns

Les pâles réverbères

On se retrouve au port

Dans une fin de nuit

Qui plante le décor

La brume s’effiloche

Et nous n’avons pas froid

C’est l’aube qui frissonne

 

Bugaled Breizh

Pemp martolod

Avel ebet Mor glas

Deiz du

 

Silence décrété

Sentence de mort double

Et nous les survivants

Survivants du silence

Gens de cœur de partage

Gens de parole et de combat

Fils et filles de Bretagne

Plus têtus que la mort

Continuons à nous battre

Marins vivants

Tant qu’ils cognent aux mémoires

Ils vivent des souviens-toi

Ils frappent à nos ports

Gardons-leur compagnie

Pour faire échouer l’oubli

 

Il y a maintenant des années que nos camarades

 

Pascal Le Floch

Georges Le Métayer

Eric Guillamet

Patrick Gloaguen

Yves Gloaguen

 

otages du secret, ne sont plus.

 

Nous ne les oublions pas

Dalc'homp soñj !

Michel et Marcelle DOUCE 15.05.2015 10:49

Merci pour cet hommage à nos disparus . Le bigouden est têtu et l'injustice le révolte.C'est pourquoi nous continuons notre combat pour la vérité.

Commentaires

29.04 | 19:58

https://www.youtube.com/watch?v=VE5svVTDuMU

15.05 | 10:49

Merci pour cet hommage à nos disparus . Le bigouden est têtu et l'injustice le révolte.C'est pourquoi nous continuons notre combat pour la vérité.