Naufrage
Ce jour-là
Soleil en berne, soleil voilé, familles en ruines, amis détruits, voix brisées, sanglots sourds, regards fixes.
La vie se fige à contre-jour, l’espoir
lutte à contre courant, le chagrin bute contre le temps, il est sans cesse au rendez-vous. Sur le quai de muettes souffrances, parfois d’étranges souffles passent, ce sont des présences fugaces qui se glissent dans les failles des
heures.
Sur le quai des espoirs enfuis, les journées s’usent jusqu’à la corde. Qui sait si le vent les poursuit jusqu’au pays où nul n’aborde. Les vagues et les heures sont lentes, les visages et les corps
se brouillent dans le puits sans fond de l’attente, si le présent s’écaille c’est l’avenir qui rouille.
Sur le quai des lendemains vides, l’aube a des airs de crépuscule, même les ombres sont
perfides, l’espoir s’éteint et capitule. Amers sont les rires d’hier, souvenirs estompés des fêtes que le vent balaie à la mer. Et pourtant leurs échos s’entêtent.
Sur le quai des espoirs
trahis, il n’y aura pas de miracle, l’attente a remplacé la vie mais le bonheur passe son tour. Lumières floues dans le brouillard, les regrets trainent leur misère, l’angoisse devient cauchemar. Restent les longs jours
de colère.
Sur le quai de trop longue absence règne le silence des lâches. Pire que l’insulte, l’indifférence. Les yeux ouverts, noire est la nuit. Et le sommeil qui s’est enfui.
Le destin des morts
est poussière, les vivants les suivent de peu, les hommes qui vont sur la mer ont un royaume dans l’entre-deux.
Le drame du Bugaled Breizh est bien sûr un naufrage au sens marin du terme.
Mais c’est
aussi un naufrage de la démocratie dans la mesure où ses soi-disant représentants refusent de voir, de chercher, de dire la vérité. C’est un naufrage de l’honneur et de la justice, c’est un naufrage
de la solidarité d’appartenance aux communautés dont les victimes étaient membres.
A travers le mépris pour les marins disparus ce sont tous les Bretons que l’on offense.
La vérité
viendra et les menteurs prendront place, déshonorés, parmi les fantômes de l’histoire.
Ne cédons pas.
28 juin 2015