Marcher marcher
Du mauvais côté de la pluie
Du mauvais côté des fenêtres
Marcher
Sans rien laisser paraître
Rengainer sa mémoire
Et quand même revoir
Les enfants aux joues rouges
Qui courent vers la maison
Lorsque le jour s’achève
Et les volets qui bougent
Lorsque le vent se lève
L’entre-deux
du sommeil
Pour commencer les rêves
Des heures sans accroc
Des lendemains sans peur
L’allée des peupliers
Qui
menait vers la porte
L’amour entrebâillé
Les rires d’amitié
Les yeux qui réconfortent
S’asseoir s’asseoir
Sur les bancs à l’écart
Des joies de fin d’école
S’asseoir
Se souvenir
Qu’on a eu la parole
S’inventer une vie
Epater la galerie
Des copains de galère
Raconter
les hivers
Du bon côté du givre
Les noëls des grands rires
Et les yeux des enfants
Décrire les étés
La simple joie de vivre
Sur le sable brûlant
Se souvenir du vent
Qui coulait sur la peau
Se souvenir du ciel
Des nuages au galop
Et des grands cerfs-volants
Les odeurs des matins
Le travail qui attend
Dormir dormir
Du mauvais côté des portes
Du mauvais côté des porches
Dormir
Ne plus se
souvenir
Vaincre la peur qui rôde
Oublier tous les rires
Ne pas les retenir
Surtout quand ils s’estompent
Oublier
qu’on oublie
Se dire qu’on se trompe
Je me mens à moi-même
Je n’ai plus de mémoire
Et j’ai cessé
de croire
Assis sur cette marche
Sous ma casquette grise
A vous tendre la main
Une aumône un sursis
Un regard
une fête
Dans mes je me souviens
Le malheur se déguise
Et l’espoir se dégrise
Mourir mourir
Sans rien laisser paraître
Avec les doigts transis et les veines gelées
Mourir
Faire le
dernier voyage
Avec comme équipage
Deux copains de douleur
Trois petits vieux sans âge
Qui sont là par erreur
Vers
la division 1
Tombes non concédées
Si seulement vous pouviez
Prendre soin de mon chien.