En 1973, après l’assassinat de Salvador Allende, lorsque les stades furent vides et que les prisons furent pleines, il fut de bon ton que la bonne société chilienne aille oublier sa peur dans les jardins
de Santiago.
Dans vos jardins de pacotille
L’ombre mendie le soleil tremble
Les oiseaux tissent métalliques
L’acier
de vos grilles nuptiales
En ces jardins de pierre brune
Le sang s’estompe sous les fleurs
Et les reflets montent la garde
Voyez les ombres
des pendus
Gagner la mer en troupe sourde
Leurs femmes vivent sur les digues
Cherchant dans le blanc des colères
La paix des arbres et des plages
Dans vos jardins couverts d’opprobre
Les jeux des statues s’exaspèrent
Et l’amertume du passé
N’est rien qu’un murmure de feuilles
En ces jardins d’outre Amazone
La mort s’emmêle et s’enracine
Entre les palmiers et l’arcade
Les sourires bleus des
fontaines
Masquent le fouet la faim et l’ordre
Parfois les bassins s’encanaillent
Et font saigner les nénuphars
En ces jardins d’outre Mexique
Les corps sont bruissants de soleil
Dans la géométrie du sable
En ces jardins à double vie
En ces jardins à double
tour
Les ombres passent et vont sourire
Endimanchées pour le plaisir
Lumière rouge au creux des ventres
Un coup de poignard dans l’hiver
Un
cri d’enfant un éclair blanc
L’éternité est une fête
Si l’on entre furtivement
En ces jardins d’outre Pérou
En ces Chilis de marbre blanc
La porte étroite entre deux ifs
Mène au silence de la pierre
Sur les étagères du temps
Reposent
trois lunes d’argent
Qui jouent du gong dans nos nuits blanches.
Le 12 décembre 2006
Un général est mort
dans son lit
Nul ne saura jamais
S’il avait le sourire