Une fin d’automne au soir tombant
Un bonheur tranquille la caresse de l’air
Si tièdes les soupirs des animaux recrus
Soudain le crissement d’une déchirure
Le fracas d’un accroc
dans le temps
Le présent qui se brouille à devenir brûlure
Les salles sans armure et leurs faibles échos
Notre passé soudain qui devient hors d’atteinte
Un silence d’oiseaux quand les
arbres s’abattent
Ce que l’on ne dit pas pèse plus que les mots
Un désespoir latent qui crève le silence
Nous fait suivre l’exil sur les pas de fantômes
Dans la mémoire double
où notre esprit se perd
Détresse à pas de loup où se tait la lumière
Et puis la vie s’enfuit une vie qui bégaie
De souvenirs ressac où l’écume se fracasse
Une lame de vide qui nous coupe du monde
Et dans cet interstice ne reste que des ombres
Qui se meurent en cercles
Ombres floues qui tournoient
Epuisantes danseuses à peine revêtues
De samits éraillés
Cantatrices sans voix aux pupilles laiteuses
Nous voilà devenus déserteurs du présent
Aux rôles balbutiants
Une pièce réduite aux trois coups du malheur
Pour un rêve
au fer rouge
Qui présage le temps d’un futur écorché
Peuplé de voix éteintes
Sous leurs tuniques noires aux fils d’argent terni
Elles secouent sans arrêt leurs cendres sur le
monde
Perchées sur nos épaules
Chantonnant sans répit leur partition d’absence
Elles occultent le temps où le soleil sans masque
Jouait encore franc-jeu
Avant que ne se fige l’écho
vermeil des rires
La mort soudain dessine des pointillés tremblés
Quand chaque souvenir devient pensée coupable
Comment imaginer la vie comme rivière
Le fil de l’eau se perd sur un
lit de décombres
On entend rire encore au bout du labyrinthe
Où les rêves se perdent et le passé se fige
Puisqu’étrangers nous sommes à la joie maquillée
Au bonheur en trompe-l’œil
Quand la force est perdue d’accompagner le monde
Quand reviennent en fraude les souvenirs venin
Eux qui nous empoisonnent derrière les murs gelés
Quand l’arbre pleure rouge couleur de chair ouverte
Nos
regards dans l’abîme d’une glace sans tain
Un jeu de masques décalés
Les larmes de misère s’écoulent sans se taire
Ombres floues ombres noires que sont-elles vraiment
Ces doublures de bure fantômes de poussière,
Sicaires divagants ?
Que sont-elles vraiment ces formes décalquées
Tricoteuses de lune lavandières grinçantes
Dans les lavoirs perdus
Jusqu’au jour renaissant au rideau cramoisi
Qui sont-elles vraiment qui rentrent en cortège ?
Elles masquent les plaines et comblent les vallées
Au ras des mortes neiges
Pourchassant sans pitié
leurs victimes
Sans feu sans linceul et sans lieu
Elles ne sont qu’ombres grises effacées par l’aurore
Et ses parois de verre où viennent s’écraser
Des insectes bleutés
Des taches
pour des jours sans issue sans sursis
Accrocs de barbelés dans les chairs sans défense
Nous voilà condamnés à l’envers des cascades
Sous la lune aussi blanche que mouettes de
labour
Cet univers est double où règne sans partage
Tout le mal de l’absence
Les empreintes d’avant qui nous poussent sans trêve
Vers de lieux de traverse, des contrées parallèles
Aux sentiers inconnus avec pour seul repère
Les souches du chagrin
Que faisons-nous alors dans ces lieux d’illusion
Où la raison se rend au prestige des arbres
Au rythme des images d’un
présent qui se trouble
Des fenêtres qui s’ouvrent sur des voix qui se cassent
Faux- semblant de la joie avant les murs grisâtres
Cavalcades feutrées sur le fil de mémoire
Alors que faisons-nous ?
Alors que faisons-nous entre les murs de givre
N’aurions-nous pas le droit
Aux ombres d’armistice, aux diseuses d’espoir
Aux calmes guérisseuses
Nous soulageraient-elles de la rage de n’être
Qu’impuissants spectateurs insensibles au bonheur
Infirmes du sourire ?
Pourraient-elles atténuer les remords permanents
De ce qu’on n’a pas fait
Sauraient-elles adoucir les regrets incessants
Des gestes naufragés
Des phrases suspendues
N’aurions-nous pas le droit
Aux lumières indécises quand la nuit nous menace
Aux matins-contrevents aux lames de soleil
Quand l’été
vibrionne tout au bout du chemin
Quand le vent se fait tiède
Pour calmer les brulures qui ourlent nos paupières ?
Le temps ne guérit pas
Les aiguilles se bloquent sur l’écran
des souffrances
- 2. 3.
Nuits de céruse
Matins de suie
Jours de salpêtre
- 2. 3.
Saisons
Interminable ronde d’histoire interrompue