Dos tournés à la mer
Et le soleil en face
Sous la complainte rauque
Des goélands obliques
Une mer immobile
Et
qui suspend ses vagues
Nous sommes camarades
Froissés du vent du large
Dans l’acide fraicheur
Du matin qui se lève
Debout devant
des ombres
Liquides et mouvantes
Une ligne de mort
Qui se brise et se forme
Le meurtre à contre-jour
Des bourreaux sans contour
Muets
et indifférents
A la trame du temps
Quand il se fait destin
La voix de leurs victimes
Ne les atteint jamais
Le soleil devient mat
Sur
les sangles de cuir
Et l’acier des fusils
Et puis ce fut hier
Ce fut une nuit floue
De lettres fracassées
De
débris d’espérance
De cris d’amour brisés
Le rythme de la vie
La pulsation du sang
Une boule d’angoisse
Que
l’inconnu façonne
Ce fut l’ultime nuit
D’otages de l’obscur
De révolte affamée
D’avenir verrouillé
Et
de vraies certitudes
Notre corps très bientôt
Oubliera l’espace
Ne fera plus obstacle
A l’air et la lumière
Pour l’instant
il frissonne
Il a droit d’avoir peur
Nos yeux restent ouverts
Et qui sait si demain
Nous serons vraiment morts
Laissez
nous voir les dunes
Une dernière fois
Piétiner dans le sable
Et même les mains liées
Exister un moment
Regarder droit devant
Faire de cet instant l’éternité de vie
Le fil de la mémoire
Qui se brise aujourd’hui
Le ciel se fait silence
Quand les
oiseaux paniquent
Et que nos corps s’affaissent
Passant, regarde-nous
La liberté persiste
Nous n’avions que la vie
A offrir en échange.