La croûte craquelée des terres mortes
Un pays d’épines et d’arbres crucifiés
Des douilles brûlantes ou rouillées
Un pays d’écoles en cendres. De rires dégondés.
D’histoire mitraillée.
Souffles de guerre et de géhenne
Les pieds sur les gravats fumants
Des murs béants. Âcres de poudre et de peur.
Toute une vie d’avant qui vous tourne le dos
Fantômes sur la plage. Grappes d’humanité.
L’au-delà de la peur. L’inconnu de l’attente.
Le bruit lancinant de la mer.
Le choc sonore des corps sur la coque.
Plus tard. Quelques heures
plus tard.
Les hoquets du moteur. Puis simplement le vent.
Le bateau qui s’enfonce et les étoiles muettes.
Un silence d’agonie. Un ciel illisible.
Le galop des nuages chargé de signes obscurs.
La
lumière traitresse des iles.
La lueur trompeuse des côtes.
Et l’espoir qui se noie entre deux rives.
Là-bas c’était la barbarie. Le viol.
La mort hagarde. La mort par surprise,
Les chairs martyrisées quand les kalachnikovs
Faucardent à bout portant.
Une terre sèche, sans salive. Une terre effritée
Les éclats rouges sur le sable. Traces humaines,
Giclures de fruits
mûrs.
Des vies déchiquetées par le métal aveugle.
Même les chiens font peur. Ils ont faim.
Ils aboient comme des révolvers.
Est ou Sud.
Poussés par la guerre. Poussés
par la famine.
Poussés par le regard des enfants.
L’exil ou la mort. Une très vieille rengaine.
Alors partir. Trouver les chemins de détresse
Ou les chemins de naufrage.
Avec un peu de chance arriver
quelque part.
Tracer la route sur le fil des ténèbres.
Des enfants dans les bras,
Des doigts tremblants dans les mains engourdies.
Une course éperdue jusqu’à l’étouffement.
Frontière
après frontière. Camp après camp.
Souffrir des nuits de gel dans les artères
Un gel qui froisse les paupières
Le froid de l’angoisse dans les os.
Derrière la douleur se tapit la douleur.
La peau qui s’éraille au pilori du soleil.
Le silence bleu des lèvres fendues. Le présent
Qui ne cicatrise pas
Les jours n’ont plus de lendemain. Ils se décalquent.
La faim qu’on
ne sent plus.
La soif qui tue les mots.
Les années du passé dans un sac de poussière.
Des sacs de randonneurs.
Et l’avenir. Peut-être. Dans un papier plié.
Et il faut continuer
Colonnes dérivant lentement à pas d’ombres
Tous ces enfants prisonniers du silence,
Des yeux écarquillés qui ne comprennent pas.
A force de marcher, le passé tombe en lambeaux.
Que de
maillons brisés à forger de mémoire.
Arrivés quelque part. Quelques jours de lumière.
Et puis les espoirs fracassés contre les murs de haine,
Le futur qui recule, le présent
qui s’abstient,
Des murs qui ne se fissurent pas.
La cruauté de l’aube qui dévoile l’horreur,
L’écume qui recouvre le sable sépulture.
Les épaules courbées face à
la brume oblique
Tout le poids du destin dans une couverture.
Les cœurs fatigués qui ne cessent de battre
Aux portes verrouillées.
Le ciel reste muet.
Les hommes bavardent. Comme d’habitude.
Faux-semblants. Faux-fuyants.
Excuses de la honte.
Il n’y aura pas de septième jour aux pieds de nos murailles.